C'est l'odeur qui m'a conduite au corps
Un homme à l'identité inconnue - certains disent déjà un soukougnan - a été retrouvé mort, ce samedi, près du bar informel de Mr. Roger Coco à Sainte-Marie.
Les premières constatations de la gendarmerie confirment qu'il s'agit d'un meurtre, une lente trucidation occasionnée par des cannes à sucre avec lesquelles le corps a été perforé.
Comble de l'ironie, le corps aurait été trainé via la Rue de la Tolérance depuis les champs de cannes.
Dans le quartier de l'Union aux rues poétiques multicolores où a été découverte la victime, c'est l'effroi. Mme Esmeralda, ancienne senneuse et bien connue de tou.te.s nous dit : "Avant de voir le corps, j'ai d'abord senti une forte odeur d'anis et d'atoumo. C'est l'odeur qui m'a conduite au corps. Odeur divine vers cette laide découverte."

Autre fait mystérieux, une inscription enflammée sur le dos de la victime - confectionnée avec des touffes, branchages, feuilles, fleurs dont regorge Sainte-Marie - et qui donne à lire : les papillons du sans-souci nous font traverser le temps légèrement.
Proverbe ancien? Phrase codée ? Si cette phrase sibylline vous dit quelque chose, vous êtes invité.e.s à vous signaler auprès de la gendarmerie. Les gendarmes n'excluent aucune piste. Et, à l'heure où les odeurs de court-bouillon s'élèvent, ils sillonnent le quartier de l'Union en quête de réponse.
Esméralda, témoin-clé

Mr. Roger Coco, propriétaire du bar proche duquel a été retrouvée la victime conclut : "A Sainte-Marie, le ciel a beau être toujours bleu, sous les tôles chauffées, le feu brûle
Mr Coco, particulièrement affecté
LE MONOLOGUE DU MORT À LA MORT
Tu m'as dérangé
Je répète: tu m'as dérangé
Je savais que tu viendrais, même si au fond on croit toujours que tu ne viendras que pour les autres.
Elle est bien belle ma nouvelle maison
Ombragée
Vue sur océan, roulis des vagues, tonneau d'écume, mer déchaînée puissance 10, ici Sainte-Marie.
Il fallait me laisser
Là où tout s'est scellé
Dans mes montagnes
Les champs de cannes
Me gorger de cette terre qui n'a pas de nom mais qui m'a fait
Me laisser manger un dernier trempage chez Max, rue de l'Amitié.
Dis-leur, à ceux que tu vas dévorer,
Qu'après ton passage
Ils ne pourront rien nommer
Mais...
Qu'ils se souviendront de tout
Ce goût sur la langue, pointe
Le bleu mer horizon
Les ruelles, les champs des oiseaux.
Je ne repose pas en paix
Je suis fâché
Si loin si loin de mes terres vivrières
Rester plein soleil, sur la place centrale, quartier de l'Union, je voulais dessécher
Mettre loin tous les morts ensemble, c'est bien une idée de vivant.
Alors Mort, je te défie !
Je suis devenu un soukougnan !
Ni fleur, ni couronne, pas d'avis d'obsèques.
Je veille.
Christelle Evita, sept 2020