Je suis Romain, l'esclave (1)
(image. Vincent Gayraud)
Ah... Martinique. Belle créature ?
Après ces souffrances, tu t'envoles devant la calenda ?
Tchip !
Il y a des pierres sous mes pas.
Il y a des corps dans mon corps qui tombent comme des pierres sous mes pas.
Il y a des pierres sous mes pas.
Il y a des corps dans mon corps qui tombent comme le jour sous mes pas.
Il y a des jours sous mes pas.
Il y a des corps dans mon corps qui tombent de fatigue.
Et ma peau s'use tellement je la joue
kudum kudum pak
kudum kudum pak
On m'appelle Romain esclave
On m'appelle X Malcolm
On m'appelle Rolhilahla Nelson
On m'appelle et je viens
avec mon coutelas avec mon courage avec mes coups
je viens.
Il y a des pierres sous mes pas
tant d'injustices à lyncher
Il y a des jours sous mes pas
une éternité de combats
Et le combat reste le même. //// manzelKA
Et le combat reste le même.
Je suis l'esclave Romain
Remonté
Bouleversé
Choqué
Énervé
Écœuré
Attristé
Pourquoi, me direz-vous ?
Je ne peux m’exprimer par le seul moyen qui me fait mien – jouer mon tambour
Qu’on m’affranchisse !
Pourtant je suis déjà, par arrêté, libre et libéré à ce jour
J’attends ma liberté qu'on tarde à m'attribuer //// MARIE-FRANCE
Merci mes frères pour cette nuit du 22 Mai. Votre colère juste comme le son de mon tambour retentit encore, se développe encore et encore pour d'autres combats.
Mais là, on me convoque, je viens. On donne à cette rue mon nom, j'accepte. On croit m'honorer. On croit me faire plaisir. On croit me rendre immortel. Foutaises ! Qu'est Saint-Pierre aujourd'hui ? Qu'est devenue cette ville ? Quelles sont les valeurs qui y règnent ? Acceptations. Soumissions. Servitudes. Que reste-il de ces beaux jours ? Que reste-t-il de nos luttes, de ces morts, de ces combats, de ce fol espoir de liberté ? Saint-Pierre aujourd'hui, tu n'es plus que l'ombre de ton ombre, l'ombre de cet appel de justice et d'égalité. Ombre dénaturée, ombre dévoyée par cette société de consommation, par cette course à la possession, le m'as-tu-vu, le quant-à-soi, le moi d'abord, le moi tout court. Tu es devenu esclave, esclave sans le savoir, esclave enchaîné à des valeurs faussées. Pierrotins, Foyalais, Martiniquais, qu'est-il advenu de vous ? Pourquoi me convoquer là, ici, maintenant ? Vous vous riez de moi ? Regardez vous. Libres ? Êtes-vous libres ? En êtes vous sûrs ? //// VINCENT
Ce jour-là, je n’avais rien imaginé d'autre que de jouer du tambour.
A défaut de pouvoir parler, de faire résonner les mots, je donnais écho au rythme des corps, j’inscrivais une trace de pulsation dans ces vies qui n’en étaient pas. Ce jour-ci, je n’imagine rien d’autre que d’écouter les battements des cœurs qui font vibrer mon corps devenu tambour, marqueur des sons. Ces jours, demain, après demain, je n’imagine rien d’autre que mon tambour devenu luciole, lumière-mémoire du sombre passé, lumière-espoir de l’avenir. //// PHILIPPE