la traaace
Si tu étais une racine ?
Je serais celle d'un baobab, d'un mahogany, enracinée à un nuage,
une racine à l'infini pour pouvoir revenir sur moi, une racine indéracinable, ancrée profondément dans le sol, pleine d'énergie positive pour le monde, une racine multicolore...
Et c'est ainsi, avec nos racines au vent, que nous nous sommes enfoncées dans la forêt Vatable.
L'idée, c'était de prendre la rentrée cool, en laissant derrière soi le stress, la marmaille avec leurs cahiers tout neufs, leurs réclamations "j'aime pas le bleu, j'voulais une trousse jaune !", de laisser tomber les masques, d'oublier les virus, le télétravail qui ne marche pas, le travail en présentiel qui ne marche pas non plus. Bref, l'idée c'était de fuck babylon the vampaya et de jouer à être libre dans les bois de Vatable.
C'était ça le truc ! Mais dès la première consigne d'écriture -écrire 4 haïku- le stress est revenu au galop : "Haïku quoi ?" / "Faut vraiment respecter la métrique ?" / "Euh... tu peux répéter ?" / "En fait, c'est très school quoi !". Et au moment de lire : "Ah mince, j'ai pas fait comme ça !", "Zut, j'avais pas compris que...", "C'est nul ce que j'ai écrit !"... On s'est vite rendues compte que se la jouer cool, c'était pas si cool que ça. Y'a toujours un parent, une maitresse, un patron coincé au fond de sa mémoire qui continue à nous juger, à nous critiquer, à nous rayer en rouge en ajoutant dans la marge "Peut mieux faire !" Arrgh !
Heureusement, le chacha !
Pierrette sort son chacha et les graines musicales ouvrent la voie au rire, à la légèreté.
Heureusement, la forêt !
A force de marcher dans un vert enveloppant, de traverser une mangrove bienveillante et de croiser des arbres tranquilles, on a fait comme Césaire : on est devenu un arbre et nos longs pieds d'arbres ont... Je ne me souviens plus de la suite. C'est dans Cahier d'un retour etcaera.
Myriam est devenue un arbre qui fuit. Pierrette, un arbre-femme-totem (ay chéché-y !). Miguelle un arbre multicolore. Dalila, elle pourtant si bavarde, un arbre qui ne parle pas...
Et chacune-arbre raconte comment elle a rencontré la mer, comment des racines peuvent devenir des ailes, comment s'y prend la terre pour prendre le large. Et c'est peut-être ça la raison d'être des femmes, de toutes les femmes : s'arracher d'une condition assignée pour prendre sa liberté, oser l'horizon, casser les carcans. Inventer de nouvelles équations et connaitre intimement la racine carrée d'une rose.
Je serais bien restée 1000 ans dans la cooltance de Vatable. Mais Isabelle et moi devions tracer. Un avion à prendre : back to speed !
De la forêt, des rumeurs me sont parvenues. J'ai entendu dire que le groupe a eu dû mal à se séparer. Et aussi que Pierrette a ressorti son chacha. Et encore que ces femmes-arbres, qui ont rencontré la mer et appris des formules magiques, se font désormais appeler Les Poetic Tchacheuses. Ou quelque chose comme ça... Et ça, c'est vachement cool !
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Conte, rendu by manzelKa
extraits lus pendant la trace
Edouard Glissant - POETIQUE DE LA RELATION (Ed. Gallimard, 1990)
Monchoachi - LA CASE OÙ SE TIENT LA LUNE (Ed. William Blake & Co. 2002)
Ernest Bavarin - LE CERCLE DES MALES-NÈGRES (1999)
Patrick Chamoiseau - L'ESCLAVE, LE VIEL HOMME ET LE MOLOSSE
(Ed. Gallimard, 1997)
animatrices
Véronique Kanor
Isabelle Kanor
Le Labo des Lettres