Mawònn je suis, mawònn je resterai
Djimbélé mon ami,
Depuis hier soir, je suis en cavale poursuivie par une horde de chiens. Je ne peux plus accepter l’innommable, l’esclavage. Non, non, non ! Je refuse de rester esclave ! Vivre libre ou mourir !
Dans ma course folle, mon corps est couvert de blessures, ma peau déchirée par les branches ; les grandes herbes qu’on appelle «grif chat » ont lacéré ma peau, qui saigne sans arrêt ; mes jambes sont endolories. Je suis prête à tout pour reprendre ma liberté.
Cependant, je ne meurs pas de faim. La nature est généreuse. Ma route est parsemée d’arbres fruitiers : papayers, orangers, pommiers…
Là, je me vivifie au pied d’une magnifique cascade, j’avale quelques gorgées de cette eau si fraîche et si pure.
Mawònn je suis, mawònn je resterai…
Oui, j’ai maintes fois rêvé d’une cascade. Elle m’apparaissait en flash et j’entendais la voix de l’Esprit qui me disait : avale trois gorgées de son eau, tes forces se décupleront. Tes jambes deviendront si rapides qu’aucun chien, ni maître ne pourra te rattraper.
J’y suis.
Je suis debout au pied de ma cascade, celle qui me sauvera la vie, ma vie d’Homme libre.
Mawònn je suis, Mawònn je resterai…
J’ai pris la précaution de ramasser sur le chemin, trois feuilles de bois moudong que j’ai pliées en trois et que j’ai enfouies dans ma poche gauche. Ces feuilles, d’après l’Esprit, dégagerons un parfum qui dérouteront et empêcheront les chiens d’utiliser leur flair pour me suivre.
J’obéis à l’Esprit, l’Esprit de mes ancêtres, avec lui, je suis intouchable, inatteignable.
Nous nous reverrons mon frère, soit en sûre. Dans trois jours, je serai devant ta porte. Reste à l’écoute, sois attentif, je ne sais à quelle heure, mais je serai là.
A bientôt, mon ami, mon frère Djimbélé.
Pierrette
oct. 2020
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