Grand-Riviere, carte postale en noir et blanc.
Ça date ! Un dédale de maisonnettes aux murs en torchis, toitures en paille, sols en terre battue. A l’intérieur on devine des meubles bancals, de la vaisselle dépareillée, ébréchée. Dans un coin, un vieux balai de branchages. Même les chevaux semblent exténués sous le soleil de plomb, à tirer leur charrette débordant de cannes rabougries, le long des traces parsemées de nids de poules. Tiens, des pêcheurs rentrent au port ! Ils livrent une lutte acharnée à la mer démontée pour ramener leurs frêles canots sur le sable noir. Ils arrivent de Miquelon ! Surgissant des cases, des femmes vêtues de couleurs vives, la tête enrubannée de madras chatoyants, poursuivis par des enfants dépenaillés, vifs, au rire joyeux, viennent acheter coulirous, dorades et autre thon ! Le débit de la régie attend ses clients habituels, pêcheurs, coupeurs de canne, djobbeurs, cabrouettiers... pour leur servir qui, un pété pjé, qui, un sec, qui, un madou ! Un âne braie dans le lointain, un coq s’égosille dans une courette, des poules font savoir qu’elles ont pondu. La cloche de l’église vient, de temps en temps, mettre un milieu à toute cette joyeuseté ! Ça, c’est Grand-Riviere telle qu’on ne la verra peut-être plus. Grand-Riviere antan lontan ! Mais qui avait son charme... N’en déplaise à certains !
Hermence, sept 2020