Ni noir ni blanc

Dans cette toile abstraite, entre les masses pleines qui stoppent au premier plan notre regard et les espaces vides de l’arrière plan qui, à contrario, le prolonge, se glissent comme oubliées les figurations des traces du large pinceau d’écriture de l’auteur.
Oui, ces figurations que le geste dynamique et relevé du manche a laissé comme histoires au bout des poils léchant encore la toile.
Un homme blotti sous un rocher en bord de mer et se protégeant du rideau de pluie, ou encore plus loin, ce même homme sorti après la pluie et qui flirte avec le ressac de la mer, ou encore ce paysage de grève où des falaises découpent l’espace entre océan et ciel, ou encore… Mais peut-être y voyez-vous tout autre chose ? C’est bien là le jeu évocateur de l’abstrait ! Même l’échelle peut varier. Moi ce sont des histoires de bleus qui se sont révélées entre les masses pleines et vides qui composent le tableau de l’artiste.
>> Fabienne Clément, 2017
Les coups de pinceaux se veulent mesurés. Le peintre tente une symétrie qui cache mal sa colère. La peinture coule, le pinceau glisse, l’œuvre dérape, elle est à jeter.
Les coups de pinceaux débalancés, masques d’autant plus graves qu’ils ne masquent décidément rien. L’ombre devient lumière, le peintre peut s’y voir, aussi clairement que dans son miroir.
L’ombre l’habite, c’est la preuve qu’il existe. C’est une menace mais c’est la sienne. La voilà désormais contenue dans la toile. Le peintre est vidé, il a froid soudain. Il se sent fragile. Il a fait cadeau de lui-même à l’art et au ravissement des autres.
Qu’adviendra-t-il de lui après ça ?
>> Camille Montoute
Des frappes de suie…
Puis naissent de frêles horizons et des pattes franches… verticales
Des profondeurs à la surface
Du zénith au nadir
Des contraires qui s’attirent
Le paradoxe harmonieux
Derrière le rideau de fer, brut, massif
S’étend à l’infini la plaine immaculée
Des apparences qui ne cessent d’être trompeuses
À moins, à moins que…
Vomissez ! vomissez encore
L’amer, le fiel
Derrière le rideau de fer, brut, massif
Se cache la fine, sensitive, qu’on a peur de toucher… que l’on chuchote à peine
Des frappes de suie sur une toile sans fond
Sur une toile sans fin…
>> Christine Jeanne
L’impitoyable orage éclate ses nuages,
Et le cachot se referme.
L’ombre crépusculaire descend à l’horizon.
L’encrier renversé coule de noirs desseins.
L’aube pourtant déploie ses voiles et ses charmes,
Cependant que sa transparente fragilité ne saurait vaincre
Ni l’épaisseur de la nuit,
Ni la densité de l’obscur.
Mais au cœur de la matière lourde se dessine, légère,
Une fenêtre.
Et s’ouvre alors l’issue vers un ailleurs plus pur.
Et le regard,
Qui s’était perdu, insomniaque,
Enfin s’éclaire et se retrouve et se recentre
Dans la trame.
>> Janine