Autoportrait d'une femme des correspondances

Ce n’est pas celui que je préfère mais c’est celui qui me ressemble.
j’aurais voulu qu’il soit grand et que les couleurs soient dans une moindre condensation.
Mais voilà, la gaieté des couleurs et la profusion sont la marque de ceux qui cherchent d’abord à donner.
Il n’est pas celui que je préfère mais c’est celui qui me ressemble.
Sa symétrie et sa géométrie évoquent en moi cette obsession pas méchante de la cohérence, qui d’une louable intention se change en carcan sourd et aveugle parfois.
Il n’est pas celui que je préfère…
Ses lignes qui partent dans toutes les directions, plus ou moins épaisses, sont autant de pensées et de projets qui tentent d’exister et d’aboutir...
Il est celui qui me ressemble.
Il met les choses en relation, c’est passionnant mais difficile à partager. Enfer et bénédiction des correspondances.
Jean Bazaine, Vent de Mer, 1949